Mise en perspective de la réalité du métier de référenceur, de l’asymétrie d’information propre à ce champ d’activité et analyse des discours des principaux acteurs du marché.
Introduction
Depuis le lancement de son moteur de recherche en 1998, Google a connu un succès grandissant jusqu’à arriver en situation de quasi-monopole en France puisqu’il représente près de 93% des recherches effectuées.
L’origine de son succès est la pertinence de son algorithme de classement des sites web, basé notamment sur les liens hypertextes créés par les internautes ainsi que sa simplicité d’utilisation.
L’importance grandissante du trafic sur le web et la nécessité pour les entreprises d’y être visible a fait émerger des pratiques visant à tromper l’algorithme de Google afin de positionner des sites dans les premiers résultats de recherche.
Ces pratiques vont à l’encontre du fonctionnement « naturel » de l’algorithme de classement pouvant altérer la pertinence des résultats. De plus, elles favorisent les sites bénéficiant de l’aide de référenceurs, détenteurs du savoir-faire nécessaire.
En effet, le manque de transparence de Google concernant le fonctionnement de son algorithme a conduit à l’émergence de cette profession chargée d’améliorer le positionnement de sites internet, d’augmenter leur visibilité et leur trafic.
Cette asymétrie de l’information entre Google et les référenceurs, qui sont en quelque sorte une épine dans le pied du géant de Montain View, donne lieu à des mises à jour régulières de l’algorithme et à l’ajout de filtres.
L’intervention d’humains est même devenue nécessaire pour vérifier la qualité des sites web : les quality raters pour tenter de contrer les pratiques influençant le classement des sites internet.
Nous étudierons dans un premier temps l’états des lieux des moteurs de recherche en 2016 en nous attardant spécialement sur Google, puis nous verrons en quoi consiste le référencement naturel et le métier de SEO et enfin nous mettrons en lumière le paradoxe entre les consignes communiquées par Google pour favoriser l’indexation et le bon classement d’un site web et la réalité des pratiques des référenceurs, que ce soient les Whites Hats ou les Blacks hats.
Etat des lieux des moteurs de recherche en 2016
1. Les différents moteurs de recherche
1.1 Qu’est-ce qu’un moteur de recherche ?
De nos jours, un moteur de recherche est la plus part du temps une application web permettant aux internautes de trouver des ressources, des informations sous forme de pages web, d’articles, de forums ou de contenu multimédia (image, audio au vidéo) à partir d’une requête sous forme d’un ou plusieurs mots. Les ressources internet sont recensées et mémorisées sous forme d’index interrogeables par des formulaires de requête.
Un moteur ou robot de recherche peut être considéré comme une gigantesque base de données, constituée automatiquement grâce à des robots appelés crawlers, spiders ou même agents qui vont explorer régulièrement le web et parcourir les sites internet à intervalles réguliers pour découvrir de nouvelles URL. Ces robots suivent les liens hypertexte qui relient les pages entre elles leur permettant ainsi de découvrir de nouvelles pages et de les indexer dans la base de données. Lorsqu’un internaute effectue une recherche, il se voit alors proposer une liste de pages correspondant aux mots clés de sa requête.
Le rôle d’un moteur de recherche est donc de classer, d’organiser et de structurer l’ensemble des pages de l’internet. Voyons quel est son fonctionnement.
1.2 Comment fonctionne un moteur de recherche ?
Un moteur de recherche fonctionne selon 3 processus principaux :
- Le crawl ou l’exploration : le robot d’indexation du moteur de recherche explore le web en suivant tous les liens hypertextes qu’il trouve pour découvrir de nouvelles pages et les ajouter à son index. Chaque crawler a sa propre signature, par exemple, Googlebot est la signature de celui de Google.
- L’indexation automatisée des données : extraction des mots clés significatifs dans un corpus exploré. Les mots sont enregistrés dans une gigantesque base de données organisée comme un fichier inverse. Ce fichier est organisé par ordre alphabétique de mots clés derrière lesquels figurent les numéros des URL ou pages web possédant ces termes.
Les termes non significatifs ou stop words sont écartés du classement alors que les mots clés sont associés à un « poids ». Celui tient compte de la probabilité d’apparition du mot dans un document et du « pouvoir discriminant » de ce mot dans la langue française.
La majorité des moteurs de recherche ont des méthodes d’indexation simples et rapide ne faisant pas appel à des traitements linguistiques complexes. Elles sont fondées sur des calculs statistiques de pertinence.
A titre d’exemple, Google connait + de 100 000 000 000 000 documents sur le web et en crawle sans doute au moins 30 milliards par jour[i].
- Donner de réponses aux requêtes des internautes : un algorithme est appliqué pour identifier dans le corpus documentaire les documents présents dans l’index correspondant le mieux aux mots contenus dans la requête afin de présenter une page de résultats (SERP) classée par ordre de pertinence.
Certains algorithmes de moteur de recherche fonctionnent avec des requêtes booléennes pour comparer les mots d’un requête avec ceux des documents indexés, d’autres fonctionnent selon le paradigme du modèle vectoriel pour mettre en relation le poids des mots de la requête avec les mots des documents.
Afin d’améliorer la pertinence de son moteur de recherche, Google a basé son algorithme de positionnement sur le PageRank[ii]. Basé sur les liens hypertextes reçus par une page web, il lui attribue une note de popularité.
Devenant plus pertinent que ces concurrents tout en plaçant l’utilisateur au centre de sa stratégie de développement, Google est devenu le leader sur le marché de la recherche en ligne.
1.3 Parts de marché des différents moteurs de recherche
Selon les dernières études disponibles en ligne, la domination mondiale de Google sur ses concurrents est incontestable puisque Google a capté près de 86.66% des requêtes dans le monde en 2015[iii]. Il se place ainsi loin devant Bing avec ses 4.13% et de Yahoo qui plafonne à 3.55%.
Figure 1- Part s de marché des moteurs de recherche dans le monde sur l’année © Statcounter – JDN
La démocratisation de l’accès à internet et le développement exponentiel des smartphones favorise l’essor de Google, comme le montre ces chiffres qui donnent le tournis[i], en 2016 Google traite :
- au moins 2 000 milliards de requêtes par an
- au moins 167 milliards de requêtes par mois
- au moins 5,5 milliards de requêtes par jour
- au moins 228 millions de requêtes par heure
- au moins 3,8 millions de requêtes par minute
- au moins 63 000 de requêtes par seconde
Si à l’échelle mondiale Google est leader, en revanche sur certains marchés locaux comme en Chine ou en Russie, il est fortement concurrencé par Baidu et Yandex comme le montre cette infographie datant de 2016[iv] :
Figure 2 – Les parts de marché des moteurs de recherche dans le monde en 2016
En France, la position dominante du géant américain est confirmée en 2015, puisque sa part de marché atteint 93.37% des requêtes desktop (depuis un ordinateur) et mobile[v], laissant la portion congrue à Bing et Yahoo avec respectivement 4.13% et 2.72%, le moteur de recherche éthique DuckDuckGo peine à atteindre 0.17%. Quant à Qwant, le moteur français qui respecte la vie privé et les données personnelles, il n’est même pas visible.
Figure 3 – Parts de marché sur l’ensemble des requêtes effectuées en France en 2015 © Statcounter – JDN
Etant donné que l’écrasante majorité des internautes français utilisent Google pour effectuer leurs recherches en ligne, la suite de cette étude se concentrera sur ce seul moteur de recherche.
2. Présentation du moteur de recherche le plus utilisé en France : Google
2.1 Historique
Google fut fondé en 1998 par deux étudiants en mathématiques de l’Université de Stanford, Larry Page et Sergey Brin qui se sont donnés pour mission : « organiser les informations à l’échelle mondiale dans le but de les rendre accessibles et utiles à tous ».
Au lancement de Google, le marché de la recherche en ligne était morcelé entre des moteurs de recherche tels que :
- Lycos
- Altavista,
- Yahoo qui avait misé sur un modèle hybride entre un annuaire de qualité géré par des humains et un moteur de recherche basé sur les mots clés.
Cependant, aucun acteur du secteur de la recherche en ligne n’était parvenu à se démarquer.
L’accès à l’information passait également par des annuaires, qu’ils soient généralistes ou thématiques. Ils étaient en concurrence directe avec les moteurs de recherche. Néanmoins, leur mode de fonctionnement nécessitait une modération manuelle des sites inscrits ce qui ne permettait pas de gérer de gros volumes et n’autorisait pas les économies d’échelles. Ils ont perdu la bataille du search même s’ils constituaient une source de trafic importante pour les sites qui y figuraient.
Cette absence d’acteur majeur et d’une offre satisfaisante alliées aux habitudes de consommations des internautes ont été un terreau favorable à l’implantation d’un nouvel arrivant : Google.
Les avantages concurrentiels de la firme de Mountain View sont alors :
- Sa simplicité d’utilisation
- Sa rapidité de chargement et d’affichage des résultats (très utiles à l’époque du débit 56K)
- La pertinence de ses résultats, qui est sans aucun doute le secret de la réussite du moteur
Figure 4 – Interface de Google en 1998
Petite parenthèse concernant l’origine du nom « Google » : il s’agirait d’un néologisme créé à partir du mot « gogol » qui désigne le nombre composé de « 1 suivi de 100 zéros » (mot inventé par le neveu du mathématicien américain Edward Kasner en 1938). Ce nom symbolise ainsi la mission que se sont donné les fondateurs de l’entreprise.
Technologiquement innovant pour fournir les meilleurs résultats, simple et rapide d’utilisation, Google a rapidement été plébiscité par de nombreux utilisateurs à travers le monde d’autant plus qu’il permettait de faire des recherches dans d’autres langues que l’anglais.
Après avoir attiré les internautes, la firme a commencé à attirer les investisseurs. La régie publicitaire Adwords a vu le jour en 2000 permettant de générer des revenus et de définir le modèle économique de Google. Enfin rentable, l’entreprise a pu recruter des ingénieurs et investir en recherche et développement assurant ainsi son avance technologique sur ses concurrents.
Aujourd’hui encore, Adwords est la principale source de revenue de Google et l’innovation constante lui a permis de conserver les faveurs des internautes.
2.3 PageRank : la quête de la pertinence
Le succès de Google repose en grande partie sur la qualité des résultats de recherche qu’il propose en réponse aux requêtes des utilisateurs. Cette recherche de pertinence est au centre des préoccupations des deux fondateurs du moteur de recherche Larry Page et Sergey Brin depuis leurs débuts à l’université de Stanford.
Dans leur publication datant de 1998 « The anatomy of a Large Scale Hypertextual Web Search Engine »[ii], ils établissent les constats suivants :
- Les moteurs de recherche automatisés reposant sur la correspondance de mot-clé renvoient généralement trop de correspondances de faible qualité.
- Le volume d’internet grossissait de façon exponentielle, les moteurs de recherche de première génération avaient du mal à s’adapter.
- La technologie de 1998 ne permettait pas à un algorithme de comprendre un texte et ce n’est toujours pas le cas.
- Le développement d’une telle technologie aurait demandé des ressources informatiques et des capacités de stockage de données impensables à l’époque.
Ils se sont donc attelés à trouver une alternative permettant d’allier pertinence des résultats de recherche aux moyens techniques dont ils disposaient.
Au lieu de demander à un algorithme de comprendre ce que « raconte » la page, ils vont proposer de mesurer la force sociale de la page dans la structure du web[vi].
La structure du réseau internet est en fait un tissu de textes se citant les uns les autres par le biais des liens hypertextes. L’algorithme de Google classe les informations en considérant qu’un site qui reçoit un lien d’un autre site reçoit en même temps un témoignage de reconnaissance qui lui donne de l’autorité.
Autrement dit, un lien peut être considérer comme un vote ou une recommandation. Cependant, il ne suffit pas de compter les liens, ils n’ont pas tous le même poids[vii].
Ainsi, les sites les mieux classés sont ceux qui reçoivent le plus de liens hypertextes venant de sites qui ont eux-mêmes reçus le plus de liens hypertextes[viii] dit sites d’autorité.
Le PageRank est en fait une note de popularité donnée à chaque document sur le web, considérant que si un site A fait un lien vers un site B, c’est qu’il lui accorde de l’importance. Peu importe que le site B soit cité en bien ou en mal, sa seule citation est un signal suffisant pour l’algorithme. L’ancre du lien (texte cliquable) est également exploitée pour capter une information sur le contexte du lien.
En attribuant une force, un poids à une page web, le PageRank associé à l’analyse sémantique de la page émettrice du lien propose ainsi une solution réaliste et efficace pour ordonner l’ensemble des documents qui composent le web.
Comme nous l’avons vu précédemment, l’indexation se passe chez Google comme pour les autres moteurs de recherche. Suite aux opérations de crawl des Google Bots, il établit une base de données des sites web crawlés répertoriés dans un immense index auquel il attribue un ensemble de signaux. Selon Amit Singhal, chef de la « ranking team », il y aurait plus de 200 signaux (qui donnent lieu à toutes les spéculations[ix]) régissant la qualité de la recherche[x].
Ces signaux contribuent à évaluer la pertinence d’un page par rapport à une requête donnée et son importance par rapport aux autres pages de pertinence équivalente.
Dans cette quête de pertinence, les équipes de Google ont développé de nombreux indicateurs sémantiques rendant l’algorithme de départ plus complexe et plus obscur au fil du temps.
L’importance ou autorité des pages étant l’apanage du PageRank, devenu un signal parmi de nombreux autres signaux. Cependant, son rôle dans le fonctionnement de l’algorithme demeure prépondérant, de nombreux signaux servant à le préciser ou à le renforcer.
Parmi les critères pris en compte par le PageRank, nous pouvons citer de façon non exhaustive :
- Les liens entrants et les liens sortants
- Les ancres des liens
- Le trafic associé à la page
- Le comportement des internautes
- Le nom de domaine
- L’hébergement
- …
Dans les faits, le PageRank attribue à chaque page web une note allant de 1 à 10 qui mesure le nombre de liens qu’elle reçoit d’autres pages. Ces liens entrants ou backlinks envoient ainsi un genre de « force » qui est appelé « jus de lien » par les professionnels du secteur.
Figure 5 – Illustration du PageRank (source : Wikipédia)
Pour paraphraser Dominique Cardon dans « L’esprit du PageRank » 2013[x], le génie de Google est que ses créateurs n’ont pas cherché à imposer un grand schéma organisationnel pour le web, ils ont demandé à tous les autres de le faire pour eux.
Cette aptitude à utiliser « la sagesse des foules », ou le crowdsourcing, pour utiliser un anglicisme à la mode, reste une philosophie importante de l’entreprise qui met toujours ce précepte en œuvre pour améliorer son algorithme par le biais notamment du Machine Learning.
3. D’un moteur de recherche à un géant d’internet
3.1 Le moteur de recherche principale source de revenu
Au début de son existence, le moteur de recherche était en quelque sorte « loué » à des sites tiers souhaitant proposer à leurs utilisateurs un service de recherche. La technologie a aussi été déclinée en un logiciel Google Search Appliance commercialisé auprès des entreprises pour organiser leurs informations internes[xi].
C’est en 2000 que la start-up a réellement trouvé son modèle économique avec le lancement de la régie publicitaire Google Adwords.
Grâce à sa simplicité d’utilisation, elle permet à n’importe quel éditeur de site de le positionner en première page des résultats de recherche pour les expressions et mots clés de son choix moyennant finance. Le succès de la régie est renforcé en 2002 par l’adoption du « coût pas clic » comme solution principale de payement qui rassure les annonceurs.
Alors que dans la publication de 1998 énonçant les fondements du moteur de recherche, les créateurs de Google affirmaient qu’il existait une incompatibilité entre la recherche d’information et la publicité, Google devient une plateforme biface, une place de marché qui vend l’audience des internautes utilisant son moteur de recherche pour de la publicité en ligne.
Larry Page et Sergei Brin ont ainsi sacrifiés leurs idéaux de jeunesse au profit de la poule aux œufs d’or, qui est aujourd’hui encore la principale source de revenu du géant de Montain View.
Selon les derniers chiffres datant de juillet 2016, Adwords aurait rapporté 15,4 Md$, soit 72,25% des revenus Google, en augmentation de 24,17% par rapport au même trimestre de l’année précédente[xii].
Figure 6 – Evolution des revenus Google de 2005 à T2 2016 : AdWords, AdSense et les autres
L’audience générée par le moteur de recherche est donc la pierre angulaire de la stratégie de développement de Google :
- Adwords transforme cette audience en « usine à cash » permettant de financer innovations et rachats d’entreprises.
- Google promeut ses autres services (Gmail, Youtube, Blogger ou encore Drive…) auprès de cette audience.
- La bonne image dont jouit le moteur de recherche rejaillit sur l’ensemble des services qu’il propose et en favorise l’adoption par les internautes.
La qualité et la pertinence du moteur de recherche sont donc indispensables pour garantir un certain niveau d’audience. Si celle-ci venait à diminuer, le chiffre d’affaire s’en ressentirait, mettant en péril des projets en cours de développement. C’est pourquoi, Google investit constamment pour améliorer son algorithme, notamment pour lutter contre la manipulation des résultats.
Google prend soin de ne pas mélanger les liens sponsorisés provenant d’Adwords avec les résultats dit « naturels » provenant du classement de l’algorithme[x].
3.2 Multiplication des services en ligne et diversification
Très tôt, l’entreprise a compris qu’elle devait diversifier ses sources de revenus pour ne pas dépendre uniquement des recettes publicitaires pour assurer son avenir.
La firme a pratiqué une stratégie de diversification verticale[xiii] en imbriquant les services de recherche les uns dans les autres. Dans un premier temps, Google Image suivi par Google news pour palier à la lenteur d’indexation incompatible avec l’instantanéité de l’actualité, en passant par Google Maps, Google Shopping et Google Finance pour suivre la bourse. Toutes ces diversifications répondent à un besoin des utilisateurs et contribuent à faciliter l’accès aux informations.
A partir de 2007, certains de ces résultats sont affichés directement dans la SERP, c’est ce que les fondateurs de Google appellent « la recherche universelle ». Bientôt complétée par l’arrivée du « Knowledge Graph » permettant d’afficher directement dans la page les informations recherchées par l’internaute, Google opère sa transformation en un véritable Moteur de réponses.
Figure 7 – Anatomie d’une page de résultats de recherche
Ces évolutions successives du moteur de recherche contribuent à l’amélioration de l’expérience de recherche. En capitalisant sur la complémentarité de ses différents services, Google ambitionne de devenir un écosystème complet fournissant des réponses sans que l’internaute n’ait besoin d’aller sur les sites… il n’a pas besoin de quitter la page de Google. Google se substitue alors au service rendu par des sites tiers qui perdent peu à peu leur audience (sites de météo, d’horaire de cinéma, Wikipédia…).
Dans une optique de diversification horizontale, Google s’éloigne un peu du « search » et développe des services répondant aux besoins des internautes parmi lesquels le service de messagerie électronique Gmail, le navigateur Chrome ou encore le système d’exploitation pour smartphone Android.
Les logiciels dédiés aux professionnels du web font également parti de la stratégie de la firme :
- Adsense permet aux éditeurs de site de monétiser leur audience
- Google Analytics permet de connaitre les statistiques de fréquentation de son site internet
- Search Console permet de piloter son référencement grâce aux données recueillies
La grande majorité des services et des applications proposés par Google sont gratuits, leur point commun est de permettre à la firme de récolter des données.
En effet, Google récupère les traces numériques pour mieux comprendre les internautes, leur comportement… Il les géolocalise, essaye d’anticiper ce qu’ils veulent, essaye de savoir quelles relations ils entretiennent.
Cette collecte de données personnelles fait de Google la cible régulière des autorités chargées du respect de la vie privée comme la Commission Nationale Informatique et Liberté (voir 3.3 dates clés).
Si ces données collectées sont des avantages certains pour des publicités ultra ciblées, elles permettent également d’affiner les résultats du moteur de recherche.
Avec la contribution du Machine Learning (apprentissage statistique par un algorithme permettant à une machine d’apprendre à réaliser un apprentissage complexe), il devient possible pour Google de prédire les intentions derrière les requêtes et de personnaliser de plus en plus les résultats.
Certains critiques en viennent même à penser que le véritable cœur de métier de Google n’est pas de concevoir des algorithmes mais de recueillir des données pour nourrir ses algorithmes.[xiv]
Ainsi, un utilisateur connecté à son compte Gmail se verra proposer des résultats personnalisés :
- S’il utilise le navigateur Chrome sa navigation sur internet sera analysée
- Pour peu qu’il utilise un smartphone Android, Google pourra le suivre lors de ses déplacements et analyser l’utilisation de son téléphone.
Ainsi, en échange de service prétendument gratuits, les internautes laissent Google enregistrer, analyser et monnayer leurs données personnelles.
Figure 8 – Google et les données personnelles, source http://www.inaglobal.fr/numerique/article/google-geant-indivisible-8160
Comme le montre les récents rachats de start-up opérés par Google (notamment dans l’intelligence artificielle et la robotique), l’objectif des dirigeants de Google est de progressivement transformé leur moteur de recherche en Intelligence Artificielle.
Au grès du développement de ces services et des ces acquisitions (185 entreprises rachetées depuis 2001[xv]), cette société a pris le contrôle des industries clés du 21° siècle.
Selon Laurent Alexandre, Chirurgien urologue de formation, diplômé de l’ENA, HEC et Sciences-Po, cofondateur de Doctissimo.fr qui préside désormais la société de séquençage de génome DNA Vision[xvi] :
« Google est une société magnifique. Pourtant, si elle devient leader en matière de lutte contre la mort, d’intelligence artificielle, de robotique, de domotique, de voitures intelligentes, il faudra vraiment réfléchir à la démanteler! Elle pourrait devenir plus puissante que les États. »
Malgré l’adoption le 27 novembre 2014 par le Parlement européen d’un texte dont l’application stricte conduirait Google à « séparer » le moteur de recherche de ses autres services commerciaux, vu le modèle économique de Google, un tel démantèlement parait impossible. Ses services sont liés les uns aux autres en un même écosystème dont le moteur de recherche est la clé de voûte, les données personnelles des utilisateurs le carburant et la publicité le financement [xv].
Le développement de Google est le fruit d’une logique cohérente visant à s’imposer comme un partenaire quotidien aussi bien pour les entreprises que pour les particuliers dans un monde où les gens sont de plus en plus « connectés ».
En étendant son écosystème, il entretien et renforce une relation de dépendance avec ses utilisateurs, qui ont de plus en plus de mal à échapper aux services de Google pour l’accès, le stockage ou la partage de l’information.
Cette volonté « hégémonique » de la firme de Montain View transparait d’ailleurs dans le nom choisi pour l’entreprise qui englobe Google : Alphabet. Le monde, de A à Z[viii]…
3.3 Dates clés de l’histoire de Google
- 1995: Les fondateurs de Google, Larry Page et Sergey Brin, se rencontrent à l’Université de Stanford.
- 1996: Mise au point un moteur de recherche (baptisé « BackRub« ) qui utilise des liens pour déterminer l’importance d’une page Web.
- 1998: Naissance de Google Inc., grâce au financement d’un montant de 100 000 dollars signé par le cofondateur de Sun, Andy Bechtolsheim.
- 2000: Lancement d’AdWords, un service permettant aux entreprises de créer facilement leurs propres campagnes publicitaires en ligne.
- 2004: Lancement du service de messagerie Gmail suivi quelque mois plus tard de l’introduction en bourse de la société.
- 2005: Suite au rachat de la société Keyhole spécialiste de la cartographie numérique, lancement des services Google Maps et Google Earth qui n’ont cessé d’évoluer depuis.
- 2006: Rachat de Youtube avec le succès que l’on connait. Aujourd’hui, l’équivalent de 60 heures de vidéos sont mises en ligne chaque minute sur ce site.
- 2007: Lancement d’Android, système d’exploitation gratuit et open source pour smartphone.
- 2008: Lancement de Google Chrome, navigateur web open source et gratuit
- 2011: Outre le retour de Larry Page au poste de PDG, la firme lance son réseau social Google + qui ambitionne de concurrencer Facebook.
- 20012: Lancement de la Nexus 7, une tablette 7 pouces suivi du Nexus 4 premier smartphone made by Annonce du projet Google Glass depuis abandonné.
- 2013 :
- Lancement du Chromecast permettant de diffuser le contenu d’un smartphone, d’une tablette ou d’un ordinateur sur une télévision.
- Création de Calico société spécialisée dans la santé et le bien-être, avec Arthur D. Levinson comme PDG.
- 2014:
- Le 3 janvier, la CNIL prononce en France une sanction pécuniaire de 150.000 euros à l’encontre Google, estimant que ses règles de confidentialité depuis le 1er mars 2012 «ne sont pas conformes à la loi “informatique et libertés”. Elle enjoint Google de procéder à la publication d’un communiqué relatif à cette décision sur la page d’accueil de Google.fr, sous huit jours à compter de la notification de la décision.» Google obtempère le 8 février après le rejet de son recours devant le Conseil d’Etat[xvii].
- Rachat de Nest spécialisé dans la domotique et la maison connectée
- Google est condamné par le Tribunal de grande instance de Paris sur le sujet du droit à l’oubli, pour non-respect d’une demande d’effacement de liens suite à une décision de justice du 13 mars 2014.
- L’enquête de la Commission européenne lancée en novembre 2010 contre Google pour «abus de position dominante» n’en finit pas de rebondir, par exemple avec la campagne Focus on the User d’un collectif d’entreprises parmi lesquelles Yelp et Tripadvisor sur la façon dont le moteur favoriserait systématiquement les propositions de Google+.
- Arrêt « Google Spain » de la CJUE, gr. ch., 13 mai 2014, toute personne dispose d’un droit au déréférencement matérialisé par le droit d’exiger d’un moteur de recherche (Google), qu’il supprime un lien dans ses résultats qui pointerait vers un site qui ne
convient pas à celui qui en fait la demande.
- 2015:
- Google se réorganise et devient la filiale d’un groupe nommé Alphabet. Le moteur de recherche, YouTube et Android y sont regroupés sous le patronyme historique de Google. On retrouve d’autres entités autonomes au sein d’Alphabet, parmi lesquelles Google Ventures et Google Capital, la filiale ès maison intelligente Nest, la structure dédiée à la lutte contre le vieillissement Calico, celle dont l’ambition est de développer l’internet ultra rapide, Fiber, ou le fameux laboratoire Google X.
- Le groupe Alphabet annonce que son mantra ne sera pas «Don’t be evil» comme pour Google mais «Do the right thing» [xviii].
3.4 Stratégie de communication auprès du grand public
La communication de Google passe par une stratégie de storytelling, plus subtil que de la publicité traditionnelle. En narrant la marque « Google », en mettant en avant l’ensemble des services fournis gratuitement aux internautes, en donnant accès à l’information au plus grand nombre et en valorisant ses avancées technologiques, Google construit son mythe.
Depuis la start-up des débuts à la holding « Alphabet », l’entreprise s’oppose à l’ordre établit en prenant le contrepied de marques comme Apple, avec son positionnement élitiste, en proposant des smartphones moins chers et un système d’exploitation open source (Android).
De même, le programme Google pour les pros , propose des outils et des formations gratuits pour aider les PME à communiquer sur internet.
Se forgeant ainsi une image de géant bienveillant et pourvoyeur des bienfaits de la technologie, Google s’expose moins aux critiques, Il fait oublier ses politiques de confidentialité lui laissant le champ libre pour l’utilisation des données personnelles des utilisateurs, ses pratiques antis concurrentielles épinglées par la Commission Européenne…
A l’occasion des 10 ans de Google en France, une campagne de communication multicanal « Moteur de réussites », mettant en avant les réussites d’entrepreneurs français grâce à internet et surtout grâce aux services et aux solutions mis à leur disposition par Google a été la première incursion de l’entreprise dans la communication corporate.[xix]
Ainsi, Google bénéficie d’une excellente image auprès du grand public, comme en témoigne le 1er prix du Trophée de la réputation 2013 reçu par la firme.
Selon Anne Gabrielle Dauba-Pantanacce, directrice de la communication de Google France :
« Les internautes nous font confiance chaque jour pour simplifier leurs échanges avec les autres, leurs déplacements, leurs accès à l’information, etc. C’est sans doute pour ces raisons de proximité que les Français nous ont témoigné leur confiance.»[xx]
La confiance que lui accordent les internautes ainsi que la perception positive qu’ils ont de la marque et de ses services constituent un actif immatériel inestimable pour Google.
Si « Don’t be Evil » (Ne pas faire le mal, en français) a été le slogan de la marque ces 17 dernières années, évoquant la promesse de ne pas faire un mauvais usage de la puissance que lui confère la technologie dont elle dispose, avec la création de la holding « Alphabet », le nouveau slogan « Do the right thing » (faire les bonnes choses) est plus positif et porte la promesse d’une utopie dont Google serait le fer de lance : un monde connecté, éduqué et ayant un libre accès à l’information.[xi]
Si la majorité des internautes n’a pas conscience de l’utilisation de leurs données personnelles, ni des pratiques antis concurrentielles pratiquées par le géant de Mountain View, en revanche, l’optimisation fiscale qu’il pratique en Europe fait souvent les gros titres et pourrait entacher son image.
En effet, comme d’autres multinationales américaines du numérique faisant parties des GAFA (Google, Amazon, Facebook et Apple), Google est régulièrement accusé en Europe et aux Etats-Unis de vouloir échapper aux impôts en choisissant de s’installer dans des pays à la fiscalité plus favorable. L’Irlande, où Google est particulièrement présent avec plus de 5000 salariés au siège européen de Dublin et où il a réalisé «plus de 10 milliards d’euros d’investissements», selon Carlo D’Asaro Biondo, co-président de Google Europe, est aussi l’un des pays où l’impôt sur les bénéfices des sociétés (12,5%) est le plus faible de l’UE.[xxi]
3.5. La possibilité d’un biais
En faisant de la publicité en ligne le cœur de son modèle économique, Google est parfois soupçonné de biaisé les résultats de recherche pour maximiser ses revenus[xxii].
Via le service Adsense, Google aide les éditeurs de sites à monétiser leurs contenus en distribuant sur leurs pages les publicités display de son réseau d’annonceurs. Ces publicités, facturées au « coût par affichage » ou au « coût par clic » génèrent des revenus dont Google redistribue une partie aux éditeurs.
Au vu de ce mode de fonctionnement, le moteur de recherche peut avoir un intérêt financier à privilégier dans le classement des SERP les sites affichant les publicités de son réseau plutôt que les sites clients d’une régie publicitaire concurrente.[xxiii]
En 2004 dans une lettre adressée aux futurs actionnaires, les fondateurs de Google se défendaient de tout biais lié à la publicité:
« Nos résultats de recherche sont ce que nous savons produire de meilleur… Ils ne sont pas biaisés et sont objectifs. Nous n’acceptons pas de payement pour eux. Nous affichons de la publicité,… et nous la labélisons clairement. Ceci est similaire à la presse où la publicité est claire et les articles ne sont pas influencés par le payement des publicitaires. »[viii].
Si un biais lié à la publicité sur Google n’a jamais été démontré, la complexité et l’opacité des algorithmes aidant, il ne fait aucun doute que la manipulation du PageRank, par la création de liens artificiels dans un but de positionner des sites internet est un biais dans la pertinence des résultats affiché par de Google.
Sources
[i] « Chiffres-clés de Google 2016 : l’entreprise, ses produits, ses salariés », Olivier Duffez Article Web Rank Info publié le 14/11/2007 mis à jour le 27 septembre 2016 http://www.webrankinfo.com/dossiers/google/chiffres-cles
[ii] Brin S. et Page L., 1998, « The Anatomy of a Large-Scale Hypertextual Web Search Engine », Computer Science Department, Stanford University. http://ilpubs.stanford.edu:8090/361/1/1998-8.pdf
[iii] « Parts de marché des moteurs de recherche dans le monde », JDN, mis à jour le 06/01/2016 http://www.journaldunet.com/ebusiness/le-net/1087491-parts-de-marche-des-moteurs-de-recherche-dans-le-monde/
[iv] « A une exception près, Google domine toute la planète du Search», Comarketing News, publié le 02/11/2016. http://comarketing-news.fr/a-une-exception-pres-google-domine-toute-la-planete-du-search/
[v] « Parts de marché des moteurs de recherche en France », JDN, publié le 25/07/2015 http://www.journaldunet.com/ebusiness/le-net/1087481-parts-de-marche-des-moteurs-de-recherche-en-france/
[vi] Cardon, D (2015). « A quoi rêvent les algorithmes ? Nos vies à l’heure des Big data », Paris, seuil.
[vii] Eisermann M., 2009, « Comment fonctionne Google ? », Université Joseph Fourier, Grenoble, http://www.igt.uni-stuttgart.de/eiserm/enseignement/google.pdf
[viii] Cardon Dominique, 2013, « Dans l’esprit du PageRank » Une enquête sur l’algorithme de Google, Réseaux, 2013/1 n° 177, p. 63-95. DOI : 10.3917/res.177.0063 https://ecole-ident-num.sciencesconf.org/conference/ecole-ident-num/pages/Cardon_Dans_l_esprit_du_PageRank.pdf
[ix] « The Myth of Google’s 200 Ranking Factors », Gianluca Fiorelli pour MOZ, 30 septembre 2014. https://moz.com/blog/the-myth-of-googles-200-ranking-factors
[x] SINGHAL A., 2008, “Introduction to Google ranking”, Official Google Blog, 9juillet. https://googleblog.blogspot.fr/2008/07/introduction-to-google-ranking.html
[xi] B.Thiers & J.Ringar « Ce que Google veut … Comprendre le référencement naturel », StudyramaPro 2016 https://www.amazon.fr/Google-veut-Comprendre-r%C3%A9f%C3%A9rencement-naturel/dp/2759031756
[xii] O. Duffez « Résultats financiers de Google détaillés (chiffres de juillet 2016) », Web Rank Info, le 08 août 2016. http://www.webrankinfo.com/dossiers/google/resultats-financiers-t2-2016
[xiii] « Google, géant indivisible » ARTICLE par Guillaume SIRE • Publié le 12.03.2015 • Mis à jour le 23.07.2015 http://www.inaglobal.fr/numerique/article/google-geant-indivisible-8160
[xiv] Siva VAIDHYANATHAN, The Googlization of everything: (and why we should worry), Berkeley / Los Angeles, University of California Press, 2011. http://mmc.geofisica.unam.mx/acl/edp/Ejemplitos/TheGooglizationOfEverything/TheGooglizationOfEverything.pdf
[xv] Liste des acquisitions de Google, Wikipédia https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_acquisitions_de_Google
[xvi] « La stratégie secrète de Google apparaît… », INTERVIEW – Laurent Alexandre dans le Journal du Dimanche, 8 février 2014. http://www.lejdd.fr/Economie/Entreprises/Laurent-Alexandre-La-strategie-secrete-de-Google-apparait-652106
[xvii] « Une petite histoire de Google, 1996-2015 : les dates clés du géant du Net » publié le 11.01.2016 sur culturemobile.net http://www.culturemobile.net/nouveau-monde-telecoms/une-petite-histoire-google
[xix] « NOUS SOMMES LES « CHIEFS CONSISTENCY OFFICER » DE GOOGLE », interview de Anne-Gabrielle Dauba-Pantanacce, Directrice de la Communication et porte-parole de Google en France pour WeAreCom.fr, octobre 2016. https://www.wearecom.fr/2016/10/chief-consistency-officer-google-france-daube-pantanacce-dircom/
[xx] Interview de la directrice de la communication de Google France 24 mai 2013 http://culture-rp.com/2013/05/24/interview-de-la-directrice-communication-de-chez-google-france/
[xxi] « GOOGLE ASSURE QU’IL RESPECTE PARTOUT SES OBLIGATIONS FISCALES », Article paru dans Stratégie le 04/07/2016 – par Annaïck Le Moigne, avec AFP http://www.strategies.fr/actualites/medias/1044044W/google-assure-qu-il-respecte-partout-ses-obligations-fiscales.html
[xxii] Rieder B., Sire G., 2014, « Conflicts of Interest and Incentives to Bias: A Microeconomic Critique of Google’s Tangled Position on the Web », New Media & Society, vol. 16, n°2, p. 195-211 http://sites.uci.edu/mariaselenebose/files/2016/01/New-Media-Society-2014-Rieder-195-211.pdf
[xxiii] « Google : la possibilité d’un biais » PAR GUILLAUME SIRE · Publié 01/04/2015 · mis à jour AVRIL 6, 2016 http://sms.hypotheses.org/3883
Pour approfondir
partie 1 – Etat des lieux des moteurs de recherche en 2016
partie 2 – Le référencement naturel, un levier webmarketing incontournable
partie 3 – Google vs les référenceurs
partie 4 – Référencement : évolution et perspectives